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Közzétéve: 2019. dec. 31., 8:24
Frissítve: máj. 5., 9:31

Pour expliquer aux gens pourquoi "Braid" est génial, on parlera de sa mécanique d'exploration du temps. Pour "Antichamber", on parlera de son architecture non euclidienne, pour "Portal", on parlera évidemment de son pistolet à portails, etc. Toutes ces mécaniques sont intrigantes et éveillent la curiosité.

Pour expliquer pourquoi "Stephen's Sausage Roll" est de loin le meilleur jeu de puzzles de tous les temps et peut-être le meilleur jeu vidéo de tous les temps (voire, même si ça peut se débattre, la plus grande création de toute l'histoire de l'humanité, c'est en tout cas mon avis), c'est un petit peu plus difficile...
"Stephen's Sausage Roll" n'a en effet pas de gimmick très accrocheur: il s'agit d'un jeu à la "Sokoban" (le fameux classique de 1982 où l'on doit pousser des caisses dans un hangar) où il faut cette fois pousser des saucisses sur des grils afin de les cuire de chaque côté, sur le dessus et sur le dessous (mais sans les brûler), à l'aide d'une fourchette surdimensionnée.

Dit comme ça, on ne comprend pas pourquoi le jeu coûte plus de 20 euros, pourquoi il est le quatrième meilleur jeu PC de 2016 selon Metacritic (devant "Dark Souls III"), pourquoi certains journaux "sérieux" comme le Guardian, le Telegraph ou les Inrockuptibles ont chanté ses louanges, ni pourquoi un nombre important de joueurs le révèrent comme les membres d'une secte révèrent un gourou. On ne comprend pas non plus pourquoi Stephen Lavelle, l'auteur du jeu, alors qu'il réclame ici un prix inhabituellement élevé, n'a pas pris la peine de taper une description plus explicite que "A simple 3d puzzle game." pour sa fiche Steam, ni pourquoi sa vidéo de bande-annonce ne montre pas une seule seconde de gameplay, ni pourquoi le site officiel du jeu ressemble à un étrange canular.

Pendant les longs mois où j'ai attendu une promotion pour passer à l'achat ("une promotion", quand j'y repense, j'ai honte - mais j'ai depuis fait amende honorable en offrant le jeu à son prix normal), tout ce mystère m'intriguait beaucoup: "Qu'est-ce qu'il y a de si spécial, au juste, dans Stephen's Sausage Roll?", me demandais-je...

Maintenant, je sais, et je vais essayer de vous l'expliquer autant que possible...

Le plaisir qu'un amateur de jeux de puzzles retire d'un bon jeu du genre naît du conflit entre la simplicité apparente des puzzles et leur richesse effective. N'importe quel développeur peut faire des puzzles difficiles à résoudre: il suffit d'avoir des mécaniques obscures ou une énorme combinatoire, mais le joueur n'en retirera aucun plaisir - en revanche, parvenir à le bloquer avec des puzzles épurés et lisibles qui n'utilisent que des mécaniques claires et intuitives, cela ne peut se faire qu'avec un certain raffinement, et cela apporte beaucoup plus de satisfaction. C'est comme un tour de magie: tout est là, devant nous, on a toutes les cartes en main, mais pourtant on ne comprend pas comment c'est possible, ça nous agace mais ça nous amuse, et lorsqu'on trouve enfin le "truc" (surtout si celui-ci est élégant), on éprouve une gigantesque jouissance intellectuelle.

Le summum du plaisir, pour un amateur du genre, est de tomber sur un puzzle tellement bien conçu, d'apparence tellement simple mais en réalité si riche, qu'il paraît insoluble au point de nous faire douter: y aurait-il un bug ou un aspect des règles qui nous aurait échappé? Et puis, on finit par résoudre ce puzzle "insoluble", et on ressent une extraordinaire plénitude, une véritable extase mentale. Des puzzles de cette qualité sont rares: dans les meilleurs jeux du genre, il y en a en général un ou deux - je n'en ai pour ma part rencontré aucun dans "Portal", peut-être un dans "Braid", un ou deux dans "Antichamber", deux ou trois dans "Sokobond", et trois ou quatre dans "A Good Snowman Is Hard To Build" (c'est dire sa qualité).

Dans "Stephen's Sausage Roll", TOUS les puzzles semblent insolubles au premier abord, je parle de CHACUN des 86 puzzles du jeu. Ce n'est pas seulement exceptionnel, c'est franchement surnaturel, surhumain, extraterrestre, anormal. Mais pourtant, cela peut s'expliquer: c'est dû à la fourchette, c'est dû aux saucisses, et c'est dû au talent de Stephen Lavelle.

La fourchette n'a l'air de rien et ne fait strictement rien d'autre que ce que l'on peut attendre d'une fourchette, mais sa taille implique qu'au lieu de faire un bloc de côté, notre personnage occupe un bloc sur deux. Ce changement en apparence mineur a d'énormes conséquences: on ne bouge pas "normalement" dans "Stephen's Sausage Roll" - si par exemple notre personnage regarde devant nous et que l'on va à droite, il n'ira pas à droite, il se tournera d'abord vers la droite, et ce n'est qu'ensuite qu'on pourra le décaler à droite ou à gauche, étant alors dans le bon axe (par défaut, on ne peut pas marcher "en crabe"). Dans le contexte du jeu, ça devient vite intuitif et ça semble naturel, mais cela ajoute énormément de complexité au jeu sans en avoir l'air. La fourchette a également d'autres propriétés dont je ne parlerai pas ici afin de ne pas vous gâcher la surprise, et de toute façon, si je vous en parlais, cela susciterait comme réaction: "Oui, et alors?" tellement ces propriétés paraissent évidentes, alors qu'en pratique elles bouleversent totalement la façon dont on résout les puzzles.

Les saucisses, quant à elles, ne font également rien de surprenant, mais elles ont bien plus de potentiel que les caisses de "Sokoban": elles font elles aussi un bloc sur deux, elles ont donc deux bouts, et elles ont deux faces. Pour résoudre un puzzle, toutes les saucisses doivent être cuites des deux côtés à chacun des deux bouts, ce qui fait quatre zones à cuire par saucisse. On cuit une zone en la poussant sur une case de gril, mais attention: si une zone déjà cuite repasse sur un gril, la zone sera brûlée et le puzzle sera perdu. Pour faire changer une saucisse de face, il faut la pousser afin qu'elle roule. Cette capacité des saucisses à rouler prend une nouvelle dimension quand les puzzles se mettent à exploiter la 3D - là encore, tout cela a l'air évident, mais dans le cadre d'un jeu de puzzles, ça permet beaucoup de situations complexes.

Et enfin, le talent de Stephen Lavelle consiste à exploiter à la perfection toute cette richesse d'apparence anodine. Tous les puzzles du jeu sont géniaux au sens littéral: ils sont tous extraordinairement ingénieux, mémorables, et, comme je l'ai dit, semblent au premier abord insolubles. Le plus spectaculaire, c'est que le jeu évolue sans jamais ajouter de nouvelle mécanique au sens traditionnel du terme: il n'y aura pas ici d'interrupteur, de tapis roulant, ni un autre de ces artifices que les jeux de puzzles introduisent d'habitude pour se renouveler et épicer leur gimmick. Non, on reste toujours avec la fourchette, les saucisses, et le décor, dont on découvre simplement de nouvelles facettes. C'est tout à fait remarquable.

J'aimerais continuer de vous parler de "Stephen's Sausage Roll"... de sa difficulté apparemment brutale mais en fait beaucoup plus abordable et progressive qu'on ne le croit... de l'ambiance étrange et de la narration décalée qu'il instaure sans en avoir l'air, créant un climat horrifique sans qu'aucun élément tangible ne concrétise cette perception... j'aimerais parler de tout cela, mais je n'ai plus assez de caractères disponibles dans cette évaluation Steam...

Je vous laisse donc le découvrir par vous-même.

(liste de toutes mes évaluations sur mon blog[simbabbad.blogspot.com])
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