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Posted: Jan 1, 2023 @ 3:29pm
Updated: May 5 @ 3:20pm

J'ai découvert "Batman: Arkham Asylum" à sa sortie sur Xbox 360 en 2010, et je n'avais alors pas été emballé, pour toutes les raisons évoquées dans les évaluations négatives ici: le jeu se présente comme un open world avec des capacités à débloquer petit à petit mais il est en fait strictement linéaire à part les objets à collecter, ces objets n'ont pas grand intérêt ni pour ce qu'ils sont ni pour la façon dont on les obtient, le beat 'em up contre les ennemis de base peut être gagné en se contentant de tapoter le même bouton sans trop faire attention à ce qui se passe, les boss se ressemblent presque tous et/ou sont de simples procédures à suivre, le jeu est très guidé en nous rappelant toujours ce que l'on doit faire et en affichant même à l'écran les commandes à utiliser, les séquences d'infiltration sont factices (on a l'impression d'être invisible juché sur les gargouilles, mais quand on se positionne au sol, on se rend compte que les ennemis devraient nous voir comme le nez au milieu de la figure), l'histoire se limite aux clichés propres à chaque personnage (on est ici loin de la BD "Arkham Asylum" de Morrison et McKean), et artistiquement, on est en plein dans le style du jeu AAA de l'époque, avec des personnages masculins qui ont tous l'air d'avoir abusé des injections de testostérone (sauf le Joker, mais même Gordon a une carrure de bodybuilder) et qui ont tous l'air de figurines mal dégrossies en plastique brillant, le tout dans une ambiance visuelle "mature" voire glauque surjouée alors que l'intrigue et le ton sont malgré le nombre de morts assez potaches (le Joker en particulier rappelle le Joker du début de la série animée, le casting de l'écriture et des voix vient de cette série), et enfin, les décors sont ternes mais parsemés de gros spots de lumière colorée à la source invisible, avec comme résultat un rendu artificiel et daté.

En 2010, ça ne m'attirait pas, je préférais les jeux rétro typés "arcade" (assez rares à l'époque). Douze ans plus tard, les jeux rétro typés "arcade" sont foisonnants depuis longtemps déjà, mes envies sont ainsi largement comblées, et je suis donc revenu à "Batman: Arkham Asylum" sur Steam avec un esprit plus ouvert, étant cette fois-ci parvenu à l'apprécier pour ce qu'il est: une fantastique immersion dans la peau du Chevalier Noir.

Oui, le jeu se joue en pilotage automatique, l'histoire est une collection de clichés, mais c'est voulu et nécessaire: tout est fait pour que le flot du jeu soit naturel et fluide et pour que l'on puisse s'immerger confortablement dans l'univers de Gotham en ayant bien l'impression d'être Batman, même si l'on connaît mal la bande dessinée (d'où les clichés, qui nous rappellent qui est qui) - ce n'était pas facile de matérialiser en mécaniques de gameplay chaque facette de Batman tout en exposant naturellement son univers et ses personnages, et c'est réalisé ici à la perfection. Un gameplay plus exigeant, moins factice, plus "rugueux", aurait cassé le rythme soutenu du jeu et cette illusion d'être un superhéros, qui est le véritable propos du jeu et, plus largement, de sa série.

Lorsqu'on joue aux défis spéciaux, une série de petites séquences de combat et d'infiltration dans des cadres délimités et évalués, on peut constater que l'une et l'autre phases sont bien plus exigeantes et fines qu'on ne pouvait l'imaginer, ces défis étant beaucoup plus durs que dans l'histoire principale. Les combats, notamment, permettent certes de toujours tapoter le même bouton sans réfléchir, mais dans les défis, ça rapportera un score minable, ce n'est pas ainsi que l'on décrochera la meilleure note et les trophées - le système de combat sanctionne en réalité les coups donnés dans le vide par une remise à zéro du combo, et il récompense à l'inverse les coups variés par de gros bonus de points à la façon de "Devil May Cry". Lorsqu'on maîtrise ce système, le jeu met en scène une chorégraphie spectaculaire digne des meilleurs films d'action, ce qui est très valorisant (je vous conseille de visionner des vidéos dédiées).

Les phases d'infiltration, même si bien évidemment elles ont une dimension factice comme l'intégralité des jeux du genre, sont elles aussi très bien conçues et très amusantes, la vision aux rayons X y est remarquablement bien utilisée de façon à ce que l'on sache où sont les ennemis et comment improviser la meilleure neutralisation possible. Les arènes sont truffées d'occasions de mise en scène, c'est très plaisant.

Enfin, les trophées du Riddler sont certes peu intéressants en tant que tels, mais ils donnent accès à des fichiers audio d'interview très bien écrits et interprétés, comme des mini-histoires plus subtiles que l'intrigue principale, et surtout, les énigmes sont en réalité placées pour que l'on prenne bien le temps d'examiner le décor et l'architecture du jeu - j'ai beau trouver le jeu artistiquement repoussant, le travail effectué est remarquable, l'île est vraiment très grande et trouve le bon équilibre entre une certaine crédibilité et l'attrait "comics" caricatural.

Il faut aussi signaler que le mode "difficile" est nettement plus exigeant, mettant bien à profit l'expérience accumulée dans le mode "normal" et celle acquise dans les défis, pour mieux entremêler gameplay et immersion.

Pour résumer en une formule, "Batman: Arkham Asylum" est un extraordinaire long métrage interactif de "Batman: la Série Animée" en plus glauque (mais pour de rire). Si l'on s'intéresse un minimum à Batman et à son étrange univers, on est sûr de passer un très bon moment.

(liste de toutes mes évaluations sur mon blog[simbabbad.blogspot.com])
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