Chapitre Premier
Depuis la disparition de Roméo, chaque fois que j’en
discute avec Pénélope, elle pleure. Pour éviter de la voir
constamment le nez dans son mouchoir, je m’oblige tous les
jours, de préférence après avoir déjeuné et dîné, d’aller sur les
lieux du drame avec notre petit teckel nain à poil dur. Ça me
change de l’ambiance mortelle de la maison. J’imagine le
miracle : que cette petite chienne qui était toujours dans les pas
de Roméo, pourrait peut-être le retrouver. Je vois bien que son
petit-maître lui manque, elle n’est plus joueuse, elle aussi est
triste et le cherche partout. Plusieurs fois par jour elle monte
dans sa chambre.
Dès qu’elle me voit prendre mon vélo, ce petit chien, pas
plus gros qu’une pelote de laine, ne résiste pas : il comprend que
nous allons faire une excursion en forêt.
C’est à chaque fois le même scénario, ce teckel nain à poil dur
commence par tourner à toute vitesse autour de moi, puis passe
devant et attend que je démarre. Au premier coup de pédale,
connaissant l’itinéraire par cœur, elle fonce, sans oublier de se
retourner de temps en temps pour être certain que je la suis. La
première fois j’ai rêvé, croyant qu’elle allait me mener près de
Roméo, mais non, elle ne fait que suivre le chemin qu’elle
empruntait avec son petit-maître.
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fait la fête avec son même rituel : elle tourne autour de moi, au
moins trois fois.
J’arrive aux abords d’un ruisseau, où comme à son
habitude elle prend quelques lampées d’eau fraîche. Puis, après
avoir remué la queue, fait deux tours autour de moi à toute
vitesse et redémarre, sachant très bien l’itinéraire qu’elle doit
prendre. Comme par hasard, elle me conduit tout proche du
drame : un peu comme si elle savait qu’il était tombé là.
Maintenant elle court au beau milieu de la route, ne voulant pas
la voir se faire écraser, je fais demi-tour en l’appelant avec
vigueur pour emprunter un autre chemin : elle est cabocharde
mais finit par obtempérer.
Après trois ou quatre cents mètres de pédalage, je me
trouve une clairière où Roméo aime venir à la saison des cèpes.
L’endroit est splendide, la brume s’est attardée, virevoltant avec
le peu de vent qui se lève.
Curieusement, je constate qu’Orphée se met à aboyer sur
quelque chose de dissimulé dans les hautes herbes. Je
m’approche et, horreur, j’aperçois une personne couchée dans
les herbes humides. Mon cœur fait des bonds. Je jette
brutalement ma bicyclette au sol et me dirige vers ce corps
inanimé. Coup de chance, si je peux dire ainsi, ce n’est pas
Roméo ! Je découvre un homme presque nu qui m’est
complètement inconnu. Curieusement, il a sur son caleçon,
unique vêtement, une enveloppe épinglée. Avec effroi, je
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m’aperçois qu’il a été mutilé, il a de nombreuses traces de
ligatures aux poignets et aux chevilles.
Il doit être là depuis un certain temps, une grosse limace rouge
se trouve sur son front.
Je suis obligé de prendre ma chienne qui ne cesse de le sentir
tout en aboyant rageusement, en tournant autour. Je m’aperçois
qu’il respire faiblement les yeux fermés, il bouge avec des gestes
lents.
Après un moment d’hésitation, n’ayant pas mon portable, je
décide de retourner à toute allure chez moi afin d’en aviser la
gendarmerie. À la maison, me voyant complètement paniqué,
Pénélope, me demande quel problème j’ai rencontré. Je vois
bien qu’elle a encore pleuré, je la rassure immédiatement, lui
précisant que ce que j’ai découvert n’a rien à voir avec Roméo.
Le simple fait d’avoir prononcé « Roméo » lui fait verser des
torrents de larmes : la tristesse reprend de plus belle.
Succinctement, je lui explique cette découverte, lui fais
savoir qu’il me faut appeler la gendarmerie. Pénélope ne me
laisse pas le temps de la réflexion qu’elle a déjà fait le numéro.
Vingt minutes plus tard, sirène hurlante, c’est deux
véhicules de gendarmerie quoi entre en trombe dans la cour. Le
plus gradé, un capitaine me demande de lui répéter ce que
Pénélope a pu déjà dire au standardiste. Sans plus de discussion,
il me fait monter à bord de son véhicule.
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Rapidement, nous nous retrouvons dans cette clairière, qui n’a
plus la même allure. Le soleil étant monté, l’éclairage n’est plus
le même. De nombreuses fleurs n’étant plus exposées au soleil
rasant ont perdu de leur superbe. En revanche, l’inconnu qui a
gardé les yeux fermés, n’a pas bougé d’un millimètre.
Alors que cinq ou six gendarmes s’affairent autour de
l’homme, arrive le SAMU qui se précipite pour l’examiner.
Un gendarme retire l’épingle pour prendre l’enveloppe. Puis,
après l’avoir ouverte, photographie le texte et range le tout dans
une boîte en plastique.
Après les séances de photo de tout ce qui environne cette
personne, suivent des prises d’échantillon et des tas de mesures.
Le médecin du SAMU confie au capitaine :
« Son pouls est faible, il respire avec difficulté, pour moi
cet homme a été drogué à forte dose. Regardez, les traces de
piqûre dans le creux de son avant-bras gauche sont bien visibles.
- Je veux bien le croire ! C’est même peut-être pire que
cela ! Il est noté dans la lettre qui se trouvait sur lui qu’il n’a plus
de conscience. Je ne sais pas ce qu’ils entendent par là, mais je
crains le pire.
- Pouvons-nous l’évacuer aux urgences ?
- Bien sûr, précisez aux médecins urgentistes qui vont
s’occuper de lui qu’il aurait peut-être été piqué par plusieurs
frelons et des guêpes. Même si je ne comprends pas ce que ça
veut dire, c’est ce qui est noté dans ce document.
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- Curieux en effet, personnellement je ne constate pas
sur la peau de piqûre de frelon. Des analyses le démontreront
peut-être », précise le médecin du SAMU qui monte à bord de
son véhicule.
Le capitaine démarre son enquête, me demandant les
circonstances de cette découverte. Bien sûr, il souhaite savoir si
je connaissais cette personne. Ne l’ayant jamais vue, c’est par la
négative que je lui réponds. Précisant tout de même que cet
individu se trouve à deux cents mètres à vol d’oiseau de l’endroit
où mon fils a eu son accident. Il ne relève pas et s’attarde sur ce
texte qui se trouvait épinglé, puis se tourne vers moi.
« Bon, je vois ! … Il est évident que nous sommes face à
une affaire importante et bien compliquée ! Quoi qu’il en soit,
vous ne touchez à rien … Nous allons mettre en place un
périmètre sécurisé par des banderoles de couleur. De toute
façon, je reviendrai vers vous rapidement.
- Il n’y a pas de danger que je traîne par ici, ce que j’ai pu
voir me terrifie. Mais, ne croyez-vous pas que ce drame pourrait
avoir un rapport avec la disparition de mon fils ?
- Comment voulez-vous que je vous réponde pour le
moment, je ne pense pas.
- Oui, bien sûr ! Dès que vous aurez du nouveau, pourriezvous me le faire savoir ?
- Une enquête de routine obligatoire nous obligera à vous
entendre. De plus, il va nous falloir fouiller tous les environs,
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suivre les traces laissées au sol par celui ou ceux qui ont traîné
ce malheureux.
- C’est ce curieux courrier qui vous fait penser que ce sera
une enquête importante ? Je vous sens sceptique … Vous me
donnez le sentiment d’être inquiet.
- Tout à fait ! Rien que cette mise en scène et ce courrier
qui donne le nom de la victime ne sont pas banale. Je vous
demande de m’excuser, mais je dois aller voir mes hommes. Je
reviendrai en fin de soirée.
Je suis abasourdi, comme si j’avais besoin de ça, c’est un
coup à affoler davantage Pénélope. Mince, mon chien en a
profité pour se sauver.
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CHAPITRE 2
Je suis sur le chemin du retour, et songe à cette