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Indsendt: 12. nov. 2020 kl. 19:00
Opdateret: 10. nov. 2023 kl. 18:35

Autant vendre la mèche: "Manifold Garden" n'est pas aussi bon que "Antichamber".

D'habitude, je répugne à suggérer qu'un jeu ne serait qu'un simple plagiat (par exemple, pour moi "Cursed Castilla" est davantage qu'un clone de "Ghosts'n Goblins"), mais dans le cas de "Manifold Garden", son affiliation avec "Antichamber" est évidente et ne tourne pas à son avantage, même s'il a ses propres qualités.

Pour rappel, "Antichamber" est un jeu de puzzles et exploration à la première personne où un héros désincarné se déplace dans des décors monochromes stylisés qui ne fonctionnent pas selon les règles euclidiennes traditionnelles. Dans ces environnements déroutants inspirés du travail du célèbre graveur M.C. Escher, on ne trouvera aucun danger ni aucun ennemi ni quoi que ce soit de vivant d'ailleurs, mais des cubes colorés qu'il faudra apprendre à manipuler afin de progresser jusqu'à un final psychédélique digne de "2001, l'Odyssée de l'espace", qui nous amènera à nous demander si le propos du jeu n'est pas le tortueux cheminement d'une âme jusqu'à la mort.

Cette description de "Antichamber" est extrêmement précise, et pourtant, elle décrit tout autant "Manifold Garden", sorti presque sept ans plus tard. "Antichamber" est d'assez loin un des meilleurs jeux du genre et il n'a pas été détrôné depuis sa sortie, s'en inspirer fortement n'est donc pas un problème en soi - mais encore faut-il arriver à son niveau et parvenir à s'en distinguer...

Les principales qualités de "Antichamber" étaient les suivantes:

- Ses paradoxes étaient extrêmement variés, nous surprenant sans cesse.
- Son labyrinthe était très dense et non linéaire, avec beaucoup de parcours possibles.
- Malgré cela, on n'y était jamais perdu ou bloqué, l'action était très fluide.
- Même si certains puzzles étaient bien délimités, la plupart se combinaient organiquement.
- Ses puzzles étaient de qualité exceptionnelle, difficiles mais justes et astucieux.

Tous ces éléments se complétaient à la perfection alors qu'en théorie, les uns étaient censés beaucoup compliquer les autres: difficile d'avoir une progression fluide alors que le jeu est non linéaire, que les puzzles sont retors, et qu'il y a une grande variété de mécaniques. L'exploit est d'autant plus remarquable que le jeu est l'œuvre d'un unique auteur.

"Manifold Garden" compte une cinquantaine de noms à son générique, il repose sur une seule mécanique principale et très peu de mécaniques secondaires, il est linéaire, la plupart de ses puzzles sont délimités très nettement, et pourtant, sa progression est parfois rêche avec des passages confus, et ses puzzles sont tous plutôt faciles et peu imaginatifs voire quelconques, donnant l'impression d'être de simples alibis servant à justifier le voyage.

Ce sentiment "c'est le même jeu en moins bien" est renforcé par le fait que la mécanique maîtresse de "Manifold Garden" provient de "Antichamber": à la fin de "Antichamber", on erre en effet dans une zone bouclant sur elle-même à l'infini dans toutes les directions - ce qui est devant nous est également derrière nous, et on peut tomber dans le vide sans fin en croisant les mêmes structures encore et encore. Le concept est repris tel quel dans "Manifold Garden", tout le jeu repose dessus, tant sur le plan ludique qu'immersif ou artistique.

Dans "Antichamber", cette mise en boucle était cependant purement figurative, elle n'était pas vraiment utilisée ludiquement malgré son gros potentiel, donc la récupérer et décider d'en faire un jeu complet est tout à fait légitime. Pour la rendre praticable, d'autres mécaniques viennent la compléter: des portails dimensionnels (également présents dans "Antichamber") permettent de relier plusieurs espaces infinis de façon logique et naturelle, et on peut désormais basculer l'orientation de la gravité: si on fait face à un mur, y compris alors que l'on est en pleine chute (c'est important), la pression d'un bouton transformera ce mur en plancher. Évidemment, c'est particulièrement approprié à une architecture à la M.C. Escher où des ponts, des escaliers et des portes s'orientent dans tous les sens. À ce sujet, pour que ce basculement de gravité reste lisible, toutes les surfaces de "Manifold Garden" sont parallèles ou perpendiculaires, il n'y a pas de surface "en biais" - de plus, chacune des six "faces" de la gravité est associée à une couleur: bleu, rouge, vert, jaune, violet ou orange (presque celles du Rubik's Cube), le sol se teintant légèrement de la couleur correspondante après un basculement.

Les cubes que l'on peut manipuler suivent le même code couleur: chaque cube de "Manifold Garden" n'est en effet soumis qu'à une ou deux gravité(s) signalée(s) sur le cube par le code couleur et par des flèches gravées sur les côtés - dans toutes les autres gravités, le cube restera totalement immobile, quitte à flotter dans les airs. En plus de cela, les cubes présentent un angle gravé sur le dessus, qui permet de rediriger des sortes de cours d'eau - cette "eau" peut alimenter des moulins hydrauliques activant des machineries, ou faire pousser des "arbres" produisant d'autres cubes.

J'ai maintenant énuméré à peu près toutes les mécaniques du jeu, et comme je l'ai dit, si les puzzles qui en résultent sont bien faits et agréables, ils ne cassent pas trois pattes à un canard, l'intérêt de "Manifold Garden" est ailleurs...

En fait, "Manifold Garden" est d'abord et avant tout un jeu immersif et contemplatif, et il l'assume pleinement: le jeu est magnifique, représentant un travail artistique et architectural colossal. C'est en fait le seul plan sur lequel il apporte vraiment quelque chose par rapport à "Antichamber", et c'est loin d'être négligeable...

Tout en conservant un style sobre et cohérent, les décors du jeu alternent des environnements épurés et exigus rappelant les vieux graphismes des jeux d'aventure textuels des années 1980, d'immenses structures flottantes et abstraites qui se dupliquent à perte de vue à la façon du film "Tron", des salles dignes d'un happening d'art moderne, des rangées interminables de gratte-ciels cossus et vertigineux sans fondations ni toit, de somptueuses dentelles de hautes cathédrales en voxels, etc.

Toutes ces architectures se succèdent sans la moindre faute de goût, tirant systématiquement le meilleur parti de la mise en abyme propre au concept du jeu, et attirant d'autant plus notre attention que beaucoup de ces décors sont des décors de transition totalement dénués de puzzles, s'exhibant crânement pour eux-mêmes. Non seulement on prend bien le temps de les contempler, mais on s'amuse avec, se jetant volontiers dans le vide pour voir étage après étage après étage etc. nous passer devant avec un gros "SWOOSH" sonore répété encore et encore et encore. Comme on peut orienter la gravité comme on le souhaite, on ne se prive jamais de cette ivresse de la chute, un couloir infini pouvant devenir un puits infini à la simple pression d'un bouton. C'est ce plaisir immersif qui fait "Manifold Garden".

J'ai écrit dans ma critique de "Antichamber" que le jeu rappelait les rêves, mais cela venait davantage de la fluidité et de l'étrangeté de ses enchaînements que de ses univers, toujours très austères. "Manifold Garden" m'a lui aussi rappelé les rêves, mais dans le sens où j'y ai ressenti une impression de déjà-vu, comme si je connaissais déjà ces stupéfiants paysages pour les avoir parcourus lors de mes rêves. Très peu de jeux m'ont offert ce type d'intimité, il s'agit là d'une chose rare et précieuse. Et c'est cela qui, à mon avis, justifie l'existence de "Manifold Garden": il véhicule une émotion particulière, qui vaut le coup d'être vécue. Si cette balade vous tente, foncez. Si vous voulez un jeu de puzzles qui repose sur des mécaniques audacieuses et bien exploitées, il y a mieux ailleurs.
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